jeudi 14 mars 2013

Traverser le pont

J'ai longtemps hésité à écrire ce billet qui tourne autour de ma grande...


Un plâtre, a 2 ans

Probablement parceque je ne veux pas lui coller d'étiquette...
Changer la perception que les gens ont d'elle...
Probablement aussi parceque je ne tiens pas à changer la perception que les gens ont de moi non plus...
Saleté d'égo qui me poursuit :) :) :)

Depuis toujours, mon amour de fille est faite de feu!
Pas surprenant, me direz-vous, quand on regarde ET son père, ET sa mère (impossible de prendre l'entièreté du blâme pour celle-ci).

Je me souviens encore du moment du bain, elle avait à peine 1 mois dans le petit bain bleu du comptoir qu'on installait dans la cuisine.
À chaque fois, c'était une mer que nous devions essuyer au sol.
Le bain était loin d'être un moment d'allégresse et de détente, croyez-moi!
C'était plutôt une compétition de natation :)

Puis, sa rapidité pour rouler. À 5 mois, on la retrouvait sous la table, puis rapidement partout ailleurs...

Puis elle a marché, à 9 mois!
"Elle est trop petite!" me disaient les gens.
Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse, impossible de l'asseoir, vous l'aurez bien compris!

Puis à 2 ans, impossible de lui choisir son linge...
ou de la faire dormir en pm...
ou de négocier quoi que se soit...

Du feu, je vous dit!


La voyez-vous avec son père... Elle est montée tout en haut, impossible de l'en empêcher. Elle avait, là aussi, 2 ans. Mes fils ont 3 et 5 ans et à ce jour, jamais vous ne les pousserez à y grimper :)

À l'époque, nous trouvions ça plutôt drôle, ne pressentant pas tout ce que dissimulait ce feu ardent.

Puis, elle a grandit et est arrivé son frère et son grand remous avec lui, plongeant toute la famille dans un océan d'incertitude... dans un stress permanent, du moins le temps que les choses se tassent.

Et puisque les enfants sont le miroir de ce qu'ils vivent, ma grande s'est enflammée.
Son frère est devenu l'ennemi numéro 1 et tout est devenu un peu plus compliqué.

Et moi dans ce grand remous, j'ai tenté de ramer pour nous tous, mon conjoint de son côté pour que le bateau ne s'immerge pas et que nous restions à flot...
Avec l'énergie, souvent du désespoir parcequ'il n'en reste souvent pas assez pour soi-même, j'ai tout voulu sauver!

J'ai voulu préserver la petite enfance de ma fille en la gardant à mes côtés, mon allaitement, la stimulation de mon garçon et j'en passe...
Puis, j'ai du beaucoup m'occuper d'Antho, on le comprend tous...
Et ma fille, guerrière, qui ne s'en laissait pas imposer par personne qui revendiquait activement sa place!

Quoi qu'il en soit, le temps passe...
Et Antho a doucement fleurit... à son rythme à lui... mais assez pour me donner le recul de me dire qu'il fleurirait à sa manière... me donnant ainsi plus d'air à respirer.

Puis, j'ai senti que je devais m'occuper de ma fille, ma seule fille, comme je lui dis souvent. Dans notre grande complicité à toutes les deux.

On dit souvent que les parents d'enfants différents sont en deuil.
Je l'ai déjà dit, je n'ai jamais trop compris...
Dans un deuil, on perd quelqu'un... puis on se rebâtit, autrement, j'imagine...
Avec un enfant comme Anthonin, rien n'est jamais comme une finalité... on s'ajuste au fil du temps, selon les saisons et la température...

J'ai cherché, longtemps, ce qui mettait le feu à ma Romane.
Puis, d'un naturel combattif, j'ai mis un pied devant l'autre pour tenter de déjouer le sort.

Nous avons donc fait des choix comme famille de tour à tour changer notre alimentation, faire un suivi avec une naturopathe, combler les carences alimentaires, éliminer les métaux lourds, faire de l'osthéo (vous auriez du la voir sur une table se débattre comme si elle était habité du diable), faire de la kinésiologie, de l'équithérapie.
Puis, nous avons pris la décision que je reste à la maison pour l'accueillir au retour de l'école, évitant ainsi le service de garde, les pédagos, les étés au camp de jour...
Nous sommes déménagés en campagne pour l'espace et le calme...
Avons choisi une école avec une pédagogie ouverte...
Et sérieusement, j'en oublie tout un lot...

Puis, j'ai voulu comprendre...
Était-ce son frère et son arrivée?
Était-ce mon regard à moi qui était biaisé, peut être était-je trop exigeante?

Avec un peu la mort dans l'âme, j'ai demandé à ce qu'elle soit vue en pédo-psy, puis qu'elle passe un bilan complet chez le psy pour voir clairement le portrait.
J'étais prête à tout entendre, je voulais qu'on me parle de ce qui se cachait derrière le feu ardent de ma fille!

Puis, le diagnostique de TDAH est tombé... L'été entre sa maternelle et sa première année.
Tout le monde savait, moi aussi, mais je crois qu'il a été plus difficile à encaisser que celui d'Antho...

Parceque ma fille, c'est ma seule fille...
Parceque je me sens toute proche et connectée...
Parceque ça me faisait mal de ne pas y arriver, simplement...
Parceque je n'aurais pas voulu d'un diagnostique pour elle...

Puis l'école et tout ce que ça apporte l'a mise au défi, et ce même si elle va dans une école alternative.
Rester assise, avoir une attention soutenue, persévérer dans l'effort, freiner son impulsivité...
Mais tous ceux qui connaissent ma fille savent que c'est une force de la nature. Elle ne s'est pas laissée faire et a tenté le tout pour le tout pour y arriver.

Puis, avant la relâche nous la sentions plus fatiguée, usée...
Mais c'est un peu comme ça avec Romane, elle arrive à la maison et tombe dans son linge mou, elle compense à l'école mais à la maison c'est difficile!
Les messages dans l'agenda, les oublis, la lenteur dans l'exécution en général, puis un bulletin beaucoup moins réussi que les autres...

Puis, on s'y retrouve... Devant le grand pont... Celui qu'on a toujours su qu'on devrait traverser un jour mais qu'on redoutait de devoir le faire...
Parcequ'on a peur parcequ'on ne sait pas ce qui se trouve de l'autre côté...
Parcequ'on doute de sa solidité...

Vous devez-vous douter que c'est de médication dont on parle et que j'ai depuis 2 ans maintenant voulu préserver ma fille d'en prendre.

Parceque dans ma tête, il y a d'autres moyens, parceque je refusait qu'elle fasse augmenter les statistiques, parcequ'on utilise même pas de Tylenol, quand on a mal à la tête, nous...
Parceque non, c'est crissement pas la même chose que des lunettes et que l'insuline...
C'est une drogue qui augmente sa dopamine pour lui permettre de fonctionner...
Parceque je ne peux pas lire l'avenir et savoir de quoi il sera fait après une vie de médication...

C'est contre toutes ces pensées et j'en passe que je me battais...
Un peu contre moi-même et ce que je défendais...
Et cette lutte, cette mautide lutte que j'aurais aimé gagner, comme dans les films américains...
Jamais, je ne pourrais me défaire du diagnostique de mon fils... mais j'avais bon espoir que je réussisse à conjurer le sort de celui de ma fille...

Alors, me voilà devant ce pont, que j'ai décidé de traverser avec ma fille...
Parceque je lui dois bien ça... J'ai envie qu'elle se repose...
Parceque je nous dois bien ça comme famille... J'ai envie que la vie soit plus facile et de créer une relation plus harmonieuse avec mes enfants...
Parceque j'ai lu et compris tout ce que ça implique réellement et concrètement comme effet à long terme de vivre avec un cerveau embrouillé...
Et parceque j'aime ma fille et que comme je ne peux pas faire chaque pas avec elle dans le monde qui est le nôtre, je dois la supporter autrement...
Pour faciliter les choses, pour être le relais, pour la défendre et pour l'outiller...
C'est notre nouvelle façon d'aborder le bout du chemin qui vient...

Le coeur gros, certes, mais rendu là...

Je lui souhaite toute la clarté du monde, j'aimerais tellement que ça l'aide réellement et profondément...
Il me reste mon bout de chemin à moi... celui de vivre avec des lunettes différentes, un petit pas à la fois!

Souhaitez-nous bonne nouvelle route!


6 commentaires:

  1. Bonne route a toi la maman qui se donne autant. Bonne route a ta fille qui va préformer d'une autre façon. Ta réflexion st complète.

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  2. Merci infiniment de ton mot d'encouragement!

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  3. Tellement bien écrit. Les similitudes avec notre parcours résonnent. Nous ne sommes pas déménagés à la campagne mais j'y pense; nous n'avons pas changé notre alimentation mais j'y pense (avec la culpabilité de ne pas l'avoir essayé avant, bien avant...). J'ai dû traverser ce pont il y a bientôt deux ans. La décision la plus difficile de toute ma vie. Je me vois encore, au comptoir de la pharmacie, donner la première prescription, sans un mot, 'c'est pour vous?' et les larmes qui se mettent à couler 'non, pour mon fils'. Je ne vois pas le futur non plus, après une vie de médication et non, c'est crissement pas de l'insuline ou des lunettes!!! Et après deux ans, j'aimerais encore ne pas être obligée de lui donner ça, ne pas faire partie des statistiques non plus, trouver LA cause autre que le TDAH et que tous les symptômes disparaissent. Encore en recherche, ou en déni...mais pour le moment, ça marche. Il mange. Il dort. Il lit. Il écrit. Il est invité à des fêtes d'amis. Il grandit. Il vit des succès. Et il se souvient de tout. Alors je fais attention à comment je raconte sa petite histoire devant les spécialistes: ostéo, chiro, acuponcteur, nouveau médecin de famille, TS, psychoéducatrice, bientôt psychologue, ergothérapeute...Ça m'a tellement fait du bien de lire votre histoire, je me sens tout-à-coup moins seule et comme réconfortée dans mon parcours. Merci. Et la meilleure des routes à vous.

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  4. Merci pour ton mot, il m'a fait un immense bien!
    On finit tous par se sentir un peu de la même façon, j'imagine, à des niveaux et étapes différentes...
    On avance, toujours par contre...
    À notre rythme et notre senti!
    Je vous souhaite une belle route à vous aussi! La plus calme et paisible possible, dans les circonstances :)

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  5. Je comprends parfaitement ton cheminement. Quand à 4 ans, mon petit n'arrivait pas à dire ses couleurs, à faire un apprentissage simple d'un enfant de 4 ans, à jouer, à découper...j'ai choisi de traverser le pont. Il avait aussi d'autres difficultés qui l'ont ralenti par la suite, mais cette première médication a été une révélation. Il a pu apprendre! Pour mon fils suivant, je n'ai pas attendu aussi longtemps. Dès que j'ai vu que son TDAH l'empêchait de fonctionner je suis allée chercher ce qu'il lui manquait. Il avait 7 ans.
    Contrairement à toi, je crois vraiment que c'est comme une paire de lunettes. Lorsque mon mari n'a pas ses lunettes, il ne voit rien, ne peut voir les expressions du visage des gens, ne peut lire, ne peut conduire les enfants à leurs activités. Lorsque mon fils n'a pas sa médication, il ne peut apprendre, ne peut se concentrer, dérange et toute la vie devient invivable et tout le monde est en colère, l'irritabilité monte pour tous dans la maison. Il en a tout simplement besoin pour vivre normalement. Lorsqu'il la prend, il est capable d'être lui-même. Eh oui! pour moi il est lui-même lorsqu'il est médicamenté, c'est très dur à avouer, mais c'est tellement ça la réalité. Mon plus vieux va beaucoup moins dans les extrêmes lorsqu'il est médicamenté, et j'ai lu que ces enfants suivis par médication prenaient moins la route de la dépendance et de la témérité plus tard. En voyant mon fils plus posé, j'en suis certaine.
    Ta fille me fait vraiment penser à ma fille de 4 ans. Je reste aussi sensible à sa réalité, mais pour l'instant nous n'avons besoin de rien pour elle. L'école à la maison lui permet pour l'instant de se laisser aller. Nous verrons avec les années et les demandes d'attention qui augmenteront pour faire l'école.

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    1. Merci beaucoup de ton commentaire!
      C'est une longue traversée, finalement... le pont semble bien long à franchir!
      Mais nous gardons espoir de trouver une solution :)

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